Recherches de Lharrük.

[Ce post est utilisé pour les posts de recherches diverses de Larry, il n'est pas dédié à une seule campagne.]


- La guerre des réseaux -

La salle était petite et encombrée. Un nuage grisâtre puant le tabac flottait perpétuellement dans l’air, ses volutes étouffant légèrement l’âpre lumière qu’une lanterne lustre jetait sur les lieux. Juchées contre les murs, des étagères en métal, gorgées de dossiers, caisses et parchemins, ceignaient la pièce, l’espace disponible en son centre étant partagé entre trois bureaux coincés les uns contre les autres, si bien qu’on pouvait se demander comment on avait bien pu les faire tout trois entrer là. A la Citadelle comme partout, et même dans les locaux de l’Inflexible, la place valait cher.

Attablé au bureau le plus éloigné de la porte, un lieutenant de l’Inflexible de la trentaine. Le pelage sable, les muscles saillants, et un sourire traînant machinalement sur ses traits. En sa compagnie, ayant emprunté le siège d’un des collègues du lieutenant absents, un autre membre du corps de garde. Plus vieux, plus empâté, d’un gris clair tirant sur le blanc, vêtu d’une tunique de cuir impeccable à laquelle était brocardée l’insigne de capitaine de la garde Inflexible. Le lieutenant parlait.

« - … un bail, dis ! Ca fait quoi ? Un an - un peu plus ? -  que t’as été muté au service d’ordre de l’Imperator ? Fais plaisir de te revoir. Tu dois bûcher sévère, on te voit même plus aux matchs des Basses Hyènes.

- Un peu, ouais !, répondait l’autre. T’imagines pas les protocoles de sécurité dès qu’un gradé quelconque se pointe. On est tout le temps sur le qui-vive, mais finalement… Jamais rien se passe.

- Un peu l’inverse d’ici, quoi, hein ? Rhum ? »

Le lieutenant ouvrit un tiroir de son bureau, duquel surgirent bien vite une bouteille de rhum à moitié entamée, ainsi que deux verres sales. Le capitaine acquiesçait volontiers tandis qu’il trouvait une place sur son bureau pour y déposer le tout. Entre son antique machine à écrire, la demi-douzaine de dossiers en cours éparpillés çà et là, les restes d’une collation, son encrier et son pot à plumes, difficile de coincer deux verres sur la table et d’y verser une goutte sans en renverser une autre. Mais il avait visiblement une certaine maîtrise dans le domaine.

« - Quoi de neuf en ce moment ? », demanda le capitaine en l’observant faire, ses griffes jouant par habitude dans sa barbe blanche soigneusement tressée. L’autre haussa une épaule, ce qui failli le faire renverser, de peu.

- La routine. Bagarres d’ivrognes, querelles avec les étrangers, agressions quelconques… Et puis un jour, bam ! T’as Vrébor ou Zakhrius qui sortent avec leurs bandes et règlent leurs comptes sur la place la plus peuplée possible. Dans c’putain de canton, c’est la routine qui t’endort, et ces trous du cul qui en profitent.

- Ca a toujours été comme ça, Vlenn, même du temps où j’étais ici. Y a de l’argent pour le front de Flambecoeur ou le Stigmate, mais pas pour régler les problèmes des gladiums. D’ici cinq ou six mois, ils jugeront que vous avez assez casqué cette année et vous donneront les moyens pour une opération contre les bandes.

- Ouais !, s’exclama Vlenn dans un rire jaune, notre opération annuelle, ça va être bien ! Tiens, voilà. »

Les deux charrs prirent leurs verres, le levant doucement pour trinquer silencieusement à leurs retrouvailles, et en vidèrent bien vite le contenu. Vlenn servit ensuite les petits frères, sous le regard perçant que le capitaine dardait sur lui de ses yeux jaunes de grand prédateur.

« - Aaaaaahr ! Ca fait du bien ! Du coup, je suppose que si c’était pour prendre de mes nouvelles, tu m’aurais payé un pot au Rince-l’œil. La haute a des problèmes avec les gladiums, du coup ils viennent nous tirer de notre trou ?

- Non, c’est privé. Un problème à régler d’urgence, avec des gars de confiance et loin des huiles de l’Imperator. »

Vlenn déposa son verre une seconde fois vidé sur la table en haussant les sourcils.

« - Le genre de truc où je dois pas poser de question ?

- Exact. S’agirait de remettre la patte sur une connaissance qui se fait la malle. Pas d’avis de recherche, ça doit rester discret et pas musclé. Veux juste lui causer.

- Un type à la Citadelle ? Dans l’canton ?

- Je sais pas, justement. Il peut être un peu partout. Mais comme je te dis, j’ai pas mal de truc à faire à l’Imperator, pas le temps de courir dans les rues en filature. J’ai besoin de gars compétents, discrets et de confiance. Je peux compter sur ton aide ?

- Baaaah.. C’est pas que j’aimerais pas, hein. Vraiment. Mais on est comme qui dirait un peu dépassés en ce moment. J’ai encore perdu deux mecs réaffectés aux patrouilles au Factorium, et c’est un putain de labyrinthe que je dois surveiller là-dessous. Si j’fous mes gars sur autre chose et que Vrébor se décide à se venger du patron de « L’antépénultième » pendant ce temps, je suis bon pour la rétrogradation.

- Je comprends, ouais.

- En plus le capitaine Frappevoyou va bientôt se retrouver sur la touche. Il a débarqué à poil dans son bureau pour bosser y a trois jours. Le bal pour son remplacement va bientôt commencer et j’dois être bien apprêté. »

Le capitaine avait déposé son verre devant lui, sur la table, et s’amusait à le faire tourner rapidement sur lui-même pendant que Vlenn parlait. Une fois qu’il eût terminé, il joua encore une poignée de secondes avant de relever le regard.

« - Et si ton dossier comprenait une lettre de recommandation du capitaine Gardezone ? »

Vlenn se redressa sur son assise, pour mieux se pencher par-dessus la table, l’air tout d’un coup très attentif.

« - Tu ferais ça ?

- Tu as toujours été très compétent, rétorqua le capitaine en haussant une épaule, ce ne serait pas immérité. Et je travaille chez les huiles, maintenant, des oreilles très… capables m’écoutent.
- Alors là ça me parle ! Tu fais ta lettre, et je te mitonne ça.

- Non. C’est une affaire urgente, j’ai dit. Il me faut la régler le plus rapidement possible. Il faut que tu lances tes gars tout de suite, car la cible a déjà deux jours d’avance.

- Putain, tu me tues ! »

Vlenn se leva en secouant la tête d’un air désabusé, et se faufila entre les tables pour vérifier que personne n’écoutait à la porte close. Chemin inverse pour se rasseoir, et dénicher un parchemin vierge dans son bureau. Il trempa sa plume dans sa fiole, la langue sortie.

« - Je t’écoute.

- Alors, c’est un as du déguisement. A la base, il est roux, ma corpulence et ma taille. Le problème est qu’il peut facilement trouver de la teinture. Depuis deux jours, il a le pelage blond cendré. Il a pu changer depuis. Il se déguise en balayeur, en Sanglant, en garde de l’Inflexible. Il se planque, et le canton est le lieu idéal. On cherche un charr roux ou plus potentiellement blond cendré, arrivé depuis deux-trois jours, et qui dispose d’un réseau d’informateurs dans le canton des gladiums qu’il aura sans doute activé. Faites jouer vos propres relations pour tenter de remonter sa trace. La cible n’est pas hostile, pas d’appréhension. Contentez vous de retrouver sa trace, de le prendre en filature et de m’en informer. Ne mets que des gars de confiance là-dessus et retrouve moi au « Rince-l’œil » demain à la même heure pour un premier rapport. Ca marche ?

- C’noté… »




Dans l’heure, le lieutenant Flenn Massàpointes et ses soldats se sont mis en branle, avec la discrétion et une subtilité qu’une unité du maintient de l’ordre du canton des Gladiums peut avoir. Les gardes iront activer leurs propres réseaux d’informateurs, dans une guerre des réseaux pour tenter de refermer l’étau sur Malick.

- Balayer les possibilités. -

« - C’est un Ferreux qui arrive dans un avant-poste des Cendres. Il a peu de temps car une autre affaire urgente à régler, alors il s’avance vers un soldat de la Cendres et lui dis : « Hé ! Dix pièces d’argent si tu me fais faire le tour des lieux en moins d’une heure en me montrant les choses les plus importantes ». Le Cendreux accepte, et l’emmène donc. Il lui monte tout d’abord le plus imposant canon du camp, mais le Ferreux renifle dédaigneusement « A la Citadelle, on a des canons trois fois plus grands que ça… Enfin, à un mètre près ». Le Cendreux hausse les épaules et le conduit jusqu’à la tour de commandement des lieux. A nouveau, le Ferreux est méprisant : « C’est une tour, ça ? A la Citadelle, on en a d’autres mais quatre fois plus grandes ! Enfin, à un mètre près… ». Un brin exaspéré, mais soucieux de récupérer son salaire, le Cendreux l’amène devant la carte stratégique de la région. Une merveille avec figurines, petits drapeaux et tout le tsouintsouin. Le Ferreux ricane : « A la Citadelle, on a des cartes douze fois plus longues que ça… Enfin, à un mètre près ! ». Parfaitement énervé, le Cendreux amène finalement le Ferreux jusqu’à l’unité médicale du camp, et lui annonce : « Là, c’est la tente médicale B-2, celle où on fait accoucher les femelles par la bouche ». Epoustouflé, le Ferreux s’ébahit, yeux exorbités : « Ah, vous avez ça, chez vous ?! ». Et le Cendreux hausse une épaule, et répond : « Ouais, enfin… à un mètre près. » »

Un grand éclat de rire accueillit la chute de la blague. Le vieux charr se tapait sur les cuisses en produisant un jappement crissant.

« - Héhéhé, pas mal, pas mal ! Alors… N’devinette ! Quand est-ce que tu souris et que tu fais un clin d’œil en même temps à un humain ? »

Lharrük, assis sur un seau retourné et adossé au mur se frotta la barbe d’un air pensif. En face de lui, le vieillard était également assis, les bras pendant entre les pattes, penchés vers son cadet, l’air enthousiaste.

« - Non, je ne sais pas… »

Redoublant d’hilarité, le vieux se tapa les cuisses.

« - ‘Lors r’gard, j’te montre ! »

Joignant le geste à la parole, il plaça les deux pattes devant son visage de manière à mimer un fusil invisible tenant en joue Lharrük, à qui il adressa un grand sourire torve, son œil gauche fermé. Puis, sa vieille carcasse se secoua d’un rire gras, auquel les éclats de Lharrük se joignirent vite.

« - Je m’avoue vaincu, héhé.

- Aaaaaah ! C’est bon d’parler à des jeunes qu’ont encore l’respect d’l’aînesse et un sens d’l’humour !

- Les autres idiots ont tendance à mépriser les balayeurs. Ils ne vous remarquent même pas, en fait.

- Et comment, did’jou ! Alors, la causette c’est bon. T’questions, maintenant. Envoie ! »

Les deux charrs étaient assis sur leurs seaux dans un étroit local de la caserne de la centurie où les balayeurs entreposaient quotidiennement leur matériel. Les blagues et les rires fusaient depuis un bon gros quart d’heure dans l’atmosphère feutrée du débarras et son odeur humide de produit de nettoyage.

« - Ah. Alors. Je voulais savoir si du matériel avait disparu ces trois derniers jours, même momentanément, même une heure. Un balai, un seau, un bleu de travail, n’importe quoi. Si un balayeur inconnu a été aperçu dans le forum.

- Baaah ! Comme ça j’sais pas. J’vais d’mander aux gars, et j’te dis ça c’soir ?

-  Parfait. Je peux vous demander d’être prudents dans les prochains jours ? De repérer si un balayeur inconnu se pointe ?

- Sans problème, ouaip !

- Bien, bien, bien. Au cas où il se pointe sans tenue de balayeur, j’vous file son signalement… »




Une des équipes de balayage de la caserne est donc en place, attentive aux allées et venues suspectes dans le forum et les dortoirs de la centurie. Une attention particulière sera portée aux casiers des soldats de l’unité. Et ce en attendant qu’ils fassent un premier rapport à Lharrük.

Concernant le post "Guerre des réseaux", cela fera l'objet d'un RP.

Concernant "Balayer les possibilités".

Lorsque Lharruk reviendra voir les balayeurs, dans leur petit local où l'odeur des produits de nettoyage brûle les sinus. Et après une petite discussion de tout, de rien, sur la vie, et le temps qui court.

- "Tombes bien l'ami, on a quelques nouvelles pour toi. Malheures'ment, j'suis pas certain qu'elles te plaisent. Ouaip, avec les gars on a fait gaffe, j'leur ai posé les questions qu'tu m'as d'mandé, mais rien, rien de rien depuis ses trois jours. L'dernière fois qu'on a paumé des trucs c'était y a facilement une bonne vingtaine de jours, t'être un peu plus. Pas vus d'nouvelles têtes non plus d'puis c'temps là. Par contre, y a BrilleFonte, un aut' charr d'une aut' unité d'balayeur qu'on voit pus d'puis un sacré bout d'temps. Ha ! Quel guignol c'lui là !"