Un Couac dans les Engrenages

Ça faisait bien une semaine que la Première Centurie du Khan-Ur était partie en campagne. La Citadelle Noire paraissait bien vide, et après les événements passés, l'ambiance était quelques peu oppressante pour le Centurion Noirphoenix.

Les gens n'étaient pas discrets. Ça non. Et le coup de grâce avait été donné par Dossur qui avait trépigné au milieu de la Citadelle Noire en criant au sujet des histoires d'asura, de "type enfermé dans une malle". Et une semaine ou deux plus tôt, avant de partir "faire un tour", Alragar avait même raconté en plein hall du Canton, à tous ses Sanglants, qu'il ne s'agissait pas de "patients" mais de "purgés". Ensuite, Alragar avait disparu. Et plus tard, la Centurie entière était partie. D'autres bourdes avaient été faites.
Zaïus se rendait compte qu'ils jouaient avec le feu, et que la chance n'existait pas.

Elle en discutait avec le Centurion Mortepluie, qui lui, était toujours confiant. "Il la connait bien". "Elle est un peu paranoïaque". "Elle se fait des idées". Mais au fond de lui, il savait que souvent, dans ce genre de cas, elle avait simplement raison. Mais que pouvaient-ils faire ? Attendre, rien de plus. Friilahr Mortepluie avait briefé le juge Tonnecanon qui avait failli être victime d'une syncope en apprenant toute l'affaire. Ils préparèrent le terrain et assurèrent leurs arrières.

Si des gardes leur posaient des questions, ils auraient dit qu'ils ne savaient rien de plus, que c'étaient des histoires racontées pour préparer les troupes aux situations désespérées.

Cependant, les gardes n'avaient pas eu encore besoin de leur poser des questions. Ils en avaient trouvé un ! Ils avaient trouvé un patient, qui se situait dans la Citadelle Noire ! Personne ne l'avait vu, personne ne s'en était rendu compte, et pourtant, ce pauvre bougre isolé dans les Ruines de Rin, avait cherché à ce que personne ne lui adresse la parole pour ne faire de mal à personne. Il avait enfin attiré l'attention d'un soldat allant uriner, qui s'était écarté de sa troupe en patrouille. Il avait été maîtrisé, puis enfermé. Les docteurs se penchèrent sur son sujet, et crurent d'abord à une malédiction. De toutes évidences, ce patient ne supportait aucun adjectif qualificatif.

Ce n'était pas la seule mauvaise nouvelle. Un autre cas avait été découvert, dans Ashford. Alors les autorités veillèrent à informer tous les spécialistes en la matière. Même ceux qui étaient partis en mission.

C'est ce qu'apprit Zaius Noirphoenix deux semaines plus tard.
Aley, cet ignoble reptile, oiseau, chauve-souris, "on-ne-sait-trop-quoi" en décomposition maître des ombres arriva en portant un message. Il se posa devant le laboratoire de Friilahr. Les gardes frappèrent à la porte, et réprimandèrent cet animal qui ne méritait que la mort. Zaïus sortit du laboratoire à son tour et délogea le carré de papier plié, attaché à la patte décharnée. C'était écrit par un soldat de la troupe Phoenix.
Les quelques mots rédigés lui procurèrent un frisson, puis la poussée d'adrénaline nécessaire à ceux qui veulent survivre ;

"Ils arrivent."

Vingt trois. C’était le nombre de malades dans la nature après l’incident, soustrait de deux soignées, et deux capturés par les hautes légions, il restait donc dix neufs potentiels raison d’envoyer quelques charrs se faire couper en deux au fléau. Frillahr s’en était douté depuis le début, il y aurait forcement à un moment un malade capturé par les hautes légions, de ce fait ses deux priorités avaient été : premièrement de trouver un moyen de les soigner, ce qui rendrait le centurion indispensable pour mettre un terme au problème, et de deuxièmement de trouver un coupable idéal à lancer entre les mâchoires de la justice le moment venu.

Charr ou non son expérience lui dictait que des expériences sur ses semblables allaient forcement mal tourner, et comme Zaius avait utilisé une partie de ses recherches pour modifier les charrs ça allait lui retomber sur le museau. Au début il voulait laisser Radjie, enfin Zaius Noirphoenix porter le chapeau, mais c’était trop risqué, et de plus il avait du mal à se détacher émotionnellement de sa petite fille, n’est pas charr parfait qui veut. Finalement c’était Reidro qui avait eu l’idée, il fallait tout mettre sur les responsables du centre de recherche. Un vieux docteur qui avait un lien plus ou moins lapidaire avec Lamefer, une cible parfaite.
Le plan n’était pas parfait, mais solide. Des semaines le museau dans les recherches pour les deux centurions, et des semaines le museau dans les textes de loi pour Reidro, ils ne pourraient pas s’en sortir trop mal.


« C’est une série noire. Ça va forcément mal se passer et on va tous y passer. » la voix de crécelle de Radjie retenti, brisant le calme. Ils étaient dans le laboratoire, penchés depuis des heures dans le plus grand des silences sur les résultats de l’expérience. Elle engagea la discussion vers Friilahr.
« Comment fa ?! Fa n’est pas du tout fientifique fa, fe baver fur de l’empirifme pur pour dégager une théorie n’est abfolument pas une bave folide. »
« Ha ouaiii ? Ba moi je sais comment ça se passe, vous allez voir. Si vous voulez on parie.»
« Je refte d’avis que f’est anti nomique avec un profédé fientifique »

L’intuition de Radjie, Mortepluie aurait dû s’y fier car tout s’effondra, la semaine suivante. « Ils arrivent » avait dit le message récupéré par Radjie, un message qui venait de sa troupe, probablement de Volephoenix.

Deux primus centurions, deux grands scientifiques du fer, spécialisés dans la nature profonde des charrs, avec uniquement leurs troupes respectives, revenaient d’urgence du front Mordrem pour s’occuper de ce problème. Et ça n’était pas bon du tout. Fortegriffe bien sûr était l’un de deux scientifiques, mais avec lui se trouvait Lamefer, et leur rivalité peu de temps auparavant profonde et intestine semblait s’être envolée. Patte dans la patte ils déboulèrent comme un warg dans un jeu de quille dans le plan finement huilé de Friilahr et Radjie.

« Vous n’auriez jamais dû la couvrir, Friilahr, elle n’apporte que chaos et folie, nous n’avons pas besoin de ça dans le fer » les mots de Fortegriffe hachaient comme un espadon les projets de Friilahrs. Lui qui pensait qu’ils auraient le soutient du charr chapeauté, c’était tout l’inverse.
« Je suis très désappointé par le comportement anti-charrmanisme de Noirphoenix, mais avec les cendres on devait s’y attendre. Ho que je suis las, las, las de toutes ces supercherie » Dans la voix prétentieuse de Lamefer pointait l’ironie.
« Alors f’est comme fa ?! Vous allez nous laiffer feul ? Fe projet est venu dans la tête de Radjie par votre faute Lamefer! »

« Je ne vous laisserais pas accuser Lesfar comme ça gratuitement ! Non, c’est votre problème, votre responsabilité Mortepluie. La centurie du Khan Ur n’existera bientôt plus. Vos erreurs ont couté la viabilité de ce projet, Portecouroux a déjà retiré la troupe Hurle du projet de centurie. Et pour ma part, vu votre incompétence à gérer cette crise je ne vois pas pourquoi je continuerais de vous soutenir. Nous avons un dragon à abattre et je ne vous laisserais pas la chance de gâcher mes nouveaux projets parce que vous voulez sauver la queue poilue de votre petite fille. Vous êtes un charr, ressaisissez-vous et balancez là, ou sombrez avec elle. » lui rétorqua Fortegriffe.
« Hoo quelle charmante retrouvaille de famille.»


Au lieu de soutient, ce fut un coup de massue. Non seulement son ancien mentor ne voulait pas l’aider à sauver Radjie mais en plus il avait décidé, avec Lamefer de les enfoncer tous les deux. Quel projet avait germé dans la tête des deux centurions qui nécessite autant de prudence au risque de couler la centurie ? Un lien avec le dragon, un lien avec le pouvoir. Quoi qu’il en soit, l’affaire prenait une tournure des plus sombres.

Dans son laboratoire, Friilahr fesait tourner un verre de whisky sanglant, sans glace, après avoir raconté l’affaire à Radjie. Elle eut un rire nerveux, ce rire de hyène bien caractéristique et puis il dit simplement : « Vous avez vu, c’est ça, une série noire, et ça ne fait que commencer »

Aatrius Portecourroux tournait dans son bureau comme un lion en cage. Le vieux Primus Centurion avait bien connu des défis, des déboires, et jamais aucun ne l'avait mit à genoux.
Il connaissait bien Fortegriffe depuis le temps, et n'était pas un imbécile fini ; Il gardait une certaine méfiance même si l'entente était cordiale. Il savait bien qu'un jour les choses tourneraient mal. On était déjà venu le voir au sujet de son légionnaire, Hurlehonneur, qui avait laissé filé quelques mots, et il avait fait ce qu'un guerrier fait toujours : Anticiper. La capture de deux "patients" par d'autres soldats des légions avait confirmé ses appréhensions.
Le Centurion était certes intéressé par ce projet de Centurie du Khan-Ur afin de mettre quelques pions de la Sanglante dans ce grand jeu de course à la Griffe, mais prudent, il avait aussi prévu de les retirer au moins faux pas.

Il n'y avait pas énormément de raisons, il y en avait deux : La première consistait à protéger l'honneur de la Sanglante. La deuxième consistait à protéger ses troupes. Il ne faisait pas partie de ces gradés qui allaient jusqu'à sacrifier leurs soldats pour leurs propres intérêts. Il n'avait rien fait d'étrange dans toutes ces magouilles politiques. Il suivait et apportait son aide par le biais de la troupe Hurle.
Cette entreprise lui avait déjà coûté cher ; Le sacrifice de sa fille, puis celui de son plus fidèle ami. Ils étaient les deux premiers légionnaires de la Sanglante pour la Première Centurie du Khan-Ur, et il n'avait rien fait pour leur éviter de glisser au mauvais moment.
Aatrius n'avait aucune affinité particulière avec Alragar, et avait sciemment mit une distance entre eux. Pas de whisky, pas de confidences ; Rien.
Et pourtant, c'est peut-être ce qui avait fait la différence.
Une fois les deux premiers purgés capturés, il ne parvenait plus à trouver le sommeil. Et, en pleine nuit, alors que la troupe Hurle était en campagne, il rédigea un rapport pour le Coeur de l'Imperator.

La troupe Hurle ne faisait plus partie de la Première Centurie du Khan-Ur.
A présent, cette troupe était membre de la quatorzième cohorte Sanglante, avec la troupe Courroux, la troupe Dérouille, et encore d'autres troupes.
Il avait hésité à prévenir le légionnaire Hurlehonneur immédiatement. "Bah ! Ça attendra !" se dit le vieux Centurion. "Si je le préviens immédiatement il va débarquer ventre à terre et ça fera encore une chose à gérer. On laisse comme ça, et on les informe à leur retour. Qu'ils se trouvent d'autres Sanglants. Mes soldats ne sont pas des marches d'escaliers.".

La plus grande discrétion fut requise, sous les conseils avisés de Reidro Tonnecanon, les centurions ne communiquèrent rien à leurs troupes, vint alors la question logique de la communication avec les légionnaires. Sur ce point les divers charrs n’étaient pas d’accords, Lamefer pensait que tout cacher en attendant une réaction de la justice était avisé,  Fortegriffe ne disait rien et Friilahr pensait qu’informer au moins les légionnaires aurait été une bonne idée.

Et alors que quelque part dans les bureaux du fer, ça discutait des légionnaires de la future-ex-première-centurie, un charr inattendu refit surface dans la citadelle noire.
L’aura de morosité qui l’entourait était habituelle, et sa simple présence fit perdre aux deux gardes du portail leur bonhomie, coupés dans leur blagues potaches à la vue de la moue lasse du légionnaire. A moins, comme se dit Irfha sur le moment, que ça ne soit la présence de cet étrange docteur sylvari qui ait choqué les deux gardes. Irfha tirait la tronche elle aussi, revenir dans la citadelle grinçante ne l’enchantait pas plus que ça.
Le premier réflexe d’Ehrmal fut de contacter son centurion, Effacecharogne. Cette histoire de docteur sylvari des montagnes nécessitait un minimum de recherche, et le centurion devait être informé de sa présence dans la citadelle. Devant le bureau du centurion, le légionnaire sut qu’il y avait un problème, la plaque de cuivre gravée sur la porte mentionnait « Centurion Cloubec » en lieu et place de Centurion Effacecharogne. Pourquoi le centurion avait-il changé de bureau. Au rez-de chaussé de la citadelle, Ehrmal eu bien du mal à trouver des réponses à ses questions, en fait personne ne savait lui répondre, ou alors les informations étaient contradictoires :  « Ce bureau avait toujours été celui de Cloubec », ou alors «  Avant il y avait un autre centurion mais il n’était plus là. Il était malade ».

Ehrmal déposa le sylvari à la lame dentelée avec une bourse pleine de cuivre, et il repris ses investigations. Mortepluie devrait savoir ce qu’il se passait ici, personne ne semblait s’être inquiété de l’absence d’Ehrmal,certes il avait prévenu qu’il partait quelques jours, mais les quelques jours c’était rapidement changés en quelques semaines, après le voyage en guivre express ils avaient du revenir jusqu’au portail le plus proche, au bosquet et ils avaient marché dans la jungle des jours et des jours et personne ne semblait s’en inquiéter. Cela dit vu que le centurion était introuvable il devait s’être passé quelque chose.
Première nouvelle, la centurie était en mission, seconde nouvelle le centurion des cendres n’était pas avec eux, troisième nouvelle, qu’il fini par trouver après avoir posé pas mal de questions : Lamefer et Fortegriffe étaient à la citadelle en ce moment même, en réunion avec Friilahr Mortepluie et Zaius Noirphoenix  pour discuter d’un problème de sécurité interne : et ça c’était très mauvais signe.


Ehrmal décida de s’imposer à la réunion, tant pis pour son grade et pour ce qu’on allait lui dire, mais les choses semblaient vraiment aller trop de travers. Il se fit annoncer à la réunion, pensant se faire débouter, mais au contraire il fut cordialement invité à entrer.
Dans la pièce se trouvait les centurions, comme il s’en doutait il put voir Mortepluie, Noirphoenix, Lamefer et Fortegriffe. Avec eux il y avait Reidro Tonnecanon, croulant sous la paperasse, au milieu de dossier énormes et mal fagotés, avec des feuilles débordantes de partout. Mais il y avait deux grands absents : Effacecharogne bien sûr, mais aussi Portecourroux, pas la moindre trace du sanglant.

« Il manque du monde » dit simplement Ehrmal avec son air le plus morose possible
« Il a quitté le navire, comme un rat » répondit Lamefer aux interrogations d’Ehrmal
« Vous parlez de Portecourroux ou d’Effacecharogne ?» rétorqua Fortegriffe
« Ha, les deux voyez-vous, les deux. L’un a pris peur l’autre est un lâche. Je vous laisse décider de qui est qui vous-même. N’est-ce pas ? » Le ton de Lamefer était au cynisme, mais personne ne releva cette pique, les museaux étaient sombres, Radjie était paniquée, ne pouvant rester assise elle faisait ses griffes sur tout ce qui passait à sa portée fouraillant de la queue. Friilahr avait son museau des mauvais jours.
«Premier  problème Sombrenuit, c’est que la troupe nuit est une troupe de gladium . Votre centurion a abandonné la projet dans les règles de l’art, si ça n’est qu’il n’a pas pu vous prévenir, vu que vous n’étiez pas là. Sans centurion vous n’avez plus d’ordres des hautes légions, et donc vous êtes des gladiums.»
Il ne fallut pas plus de dix secondes à Ehrmal pour désigner Radjie d’une griffe avant d’annoncer : « Bien sûr que si, la troupe nuit à une centurionne, elle est juste là. »
Radjie eu un sourire une seconde, Reidro mis à jours les documents, la troupe Nuit était à présent sous les ordres de Zaius Noirphoenix. Mais ça n’éclairait pas la situation pour autant, alors une explication fut donnée à Ehrmal, bien sûr il savait qu’ils ne lui disaient pas tout, cette histoire de maladie ne pouvait expliquer la fuite de deux centurions et le risque qui semblait bien trop grand. Au moins un des centurions devait avoir trempé dans une affaire quelconque du type modification de l’esprit ou du corps, expérience rocambolesque, et ses doutes se tournaient vers Radjie. Elle l’avait à peine salué, pas de cynismes, pas de piques, pas de ‘petit Ehrmal’, juste de la tension et du stress de la part de la Centurionne qui était avant son amie.


« Il n’y a pas d’autres choix que de rejeter la fautes sur Zaius » Lamefer tourna son regard vers Radjie qui faisait les cents pas « Il est clair qu’ils vont finir par découvrir la source du projet, et votre erreur ne doit pas entacher ma réputation. Après tout ce que j’ai fais pour vous voilà ma récompense ! »
« Ha ouai, ben justement vous devriez y réfléchir, parce que moi je connais quelqu’un qui pourrait touuuut raconter. Sur le fait que son vrai nom c’est pas Zaiiuuusss par exemple ! » Radjie était totalement ébouriffée, griffes sorties et pupilles rétractées en deux fentes. Sur la défensive elle avait pourtant lâché un argument de poids.
« Vous pouvez toujours raconter ce que vous voulez, nous ferons en sorte de trouver des raisons pour expliquer tout cela » lui répondit Fortegriffe après avoir tiré une bouffée de sa pipe
« Fauf que je ne vous laifferais pas faire. Vos petits projets n’iront pas entraîner Vaiuf au font du gouffre ! Fertainement pas. Et puis f’est quoi fet hopital ?! F’est pas elle qui l’a fait conftruire ! Alors bon ! »
« Mortepluie, vous êtes un con ! Vous allez juste vous faire tuer pour rien, et nous entraîner avec vous dans votre chute. Ne soyez pas si prompt à tout détruire pour vos sentiments.
- Ouai bah au moins lui il me soutient, parce qu’en vrai c’est la faute de Lamefer ! Il est nul et je devrais le tuer.
- Me tuer ?! Haha ! Faites voir, juste pour essayer ? Je vous ai fait, je peux vous défaire Noirphoenix !
- Nous n’avons pas besoin d’aller aussi loin dans la folie ! Nous sommes là pour trouver une solution qui convient à tout le monde
- Ouaiii et bien me balancer ça me convient pas à moi ! » Radjie fouraillait plus fort de la queue, son regard lançait des éclairs mauvais.

Le débat se poursuivit durant des heures, jusqu’à ce que Reidro brandit une feuille au-dessus de sa tête et braillât de sa voix nasillarde : « Silence, Sillence !! Il est l’heure de faire travailler la justice, puisque vos magouilles vous guident vers le trou, usons de la science politique, calmez-vous, et écoutez-moi … »

Reidro n'eut pas le temps de finir sa phrase. On frappait à la porte du bureau du Primus Centurion Fortegriffes dans lequel ils s'étaient tous réunis.

“OUVREZ !” tonna une voix de l'autre côté de la porte.

C'était la garde inflexible, cerbère de l’impérator du fer Smodur l’impassible, mais surtout gardiens de la droitesse des hautes légions. Une troupe des Cendres avait fait un excellent travail d'enquête, et avaient finis par remonter jusqu'à eux.

“Série noire.” ricana Radjie.

Reidro se leva immédiatement, bras en l'air, lorsqu'ils entrèrent : “Je n'ai rien à voir avec cette histoire ! Je suis INNOCENT !”

“Nous avons pour ordre de vous interroger séparément, vous devez savoir ce qui nous conduit à vous. Un tribunal exceptionnel va avoir lieu à la suite de ceci. Sauf vous naturellement, magistrat, vous n'êtes pas lié à cette affaire, d'ailleurs qu'est-ce que vous faites là ? Bref, passons. Veuillez nous suivre.”

Ehrmal accompagna Radjie sur quelques pas, décidément ça sentait mauvais pour elle :

“Ça ira ?”

“Ouais... Et pas qu'un peu. Ils ne m'auront pas. Pas une deuxième fois.” répondit Radjie en suivant ses deux gardes, les oreilles plaquées en arrière, l'air déterminé.

Ils furent tous interrogés, un par un, hormis Reidro. Sa présence parmi les suspects fut néanmoins révélée aux autorités qui décidèrent de ne pas faire de lui l'un des juges de cette affaire.

Friilahr, prit au dépourvu s’en tint à son idée d’origine et annonça que pour lui, ce n'était qu'une histoire de patients en libertés à récupérer, et qu’il avait simplement travaillé sur un moyen de les soigner.

Fortegriffe et Lamefer ne changèrent pas d'objectif ; Ils chargèrent Zaïus, ils la chargèrent comme un marmox de bat pour être exact. Evidement ils s'étaient concertés avant, après tout “Les Zaïus ont toujours été là pour trinquer !” Ils expliquèrent qu'elle avait depuis longtmps un projet de modification cérébrale de charrs dont le but était de les rendre plus docile et plus resistants à la peur, vous voyez ce genre de chose qui n’est pas vraiment autorisé, et qu'elle s'en servait à mauvais escient.

Ehrmal fut interrogé pour la forme, et déclara que Zaïus était son nouveau centurion, et  que depuis, tout se passait relativement bien. Il tu volontairement son absence récente.

“Zaïus” expliqua simplement qu'elle n'avait rien à voir là-dedans. Elle s'en tint à une histoire de patients en fuite. On lui demanda alors des comptes au sujet de la créature ailée dégoûtante qu'elle avait ramené ; “Un cadeau d'une amie nécromancienne...”

Pendant quelques jours, ils eurent la compagnie d'un garde chacun et ne purent rien échanger entre-eux. Le Quorum fut rapidement mit en place, avec trois juges. Le public ne fut pas admis, mis à part les témoins. Il n'y avait pas vraiment d'accusé à la barre des accusés puisque tout le monde était plus ou moins suspect.

Ils témoignèrent tous devant les juges, et, après les témoignages de Fortegriffe et de Lamefer, deux gardes vinrent se positionner de chaque côté de Radjie qui commença à feuler.

“J'avoue ! Une folle ! On la voyait toujours, elle et ses soldats, venir nous demander des informations et des documents au sujet de la Purge ! Vous savez, moi ça fait depuis un moment que j'ai laissé tomber, j'ai mieux à faire et j'ai d'autres dragons à fouetter ! Evidemment que ce sont des Purgés, vous vous attendiez à quoi ?! Evidemment que non je ne sais pas comment les faire redevenir normaux ! Demandez-lui à elle ! Elle a dû utiliser, pardon, VOLER des technologies à d'autres troupes, et pourquoi pas, des technologies ASURAS !” déclara Lamefer.

“Ne mêlez pas la Première Centurie du Khan-Ur avec un problème épidémiologique, voyons, f'est une expérienfe fofiologique bavé fur l’interacfion des trois légions. Nous n'utilivons rien de bivarre et nous avons fimplement apporté notre aide à fe problème de pafient perdu. Après tout nous avons déjà travaillé avec la troupe Phoenif par le paffé. Quand à Vaïuf, il est affez fafile de l’accuvez fimplement parfe qu’il y a  homonymie ! Vous rejetez vos propres refponfabilités fur les Fendres. Tout le monde fait que la modificafion férébrale, f'est votre fait ! Paffé ou non le projet de la purge date d’avant la naiffanfe de Vaiuf. Vérifiez dans les documents offifiels vous verrez que j’ai raivon.” défendit Friilahr.

“Evidemment que vous allez défendre votre Centurie, Mortepluie ! Elle vous a permis de rafler un poste de Centurion et de mener à bien toutes vos expériences personnelles sans jamais rendre de comptes à personne. Vous en avez fait valider une au moins ? Le charrtélite par exemple ? Ah non, je ne crois pas...” piqua Fortegriffe.

“Zaïus Noirphoenix” tonna un juge. “Une enquête affirme que vous n'êtes autre que Radjie Tranchnuit, ancien lieutenant de la troupe Nuit, condamnée à mort pour assassinat. Qu'avez-vous pour votre défense ?”

Radjie déglutit ; “Que voulez-vous que je vous dise ? Des histoires sans queues ni têtes. C'est sûr que j'aurai préféré ressembler à Kalla Lamebrûlante... Vous pouvez fouiller mon dossier, je n'ai rien à me reprocher.”

Friilahr eu un léger sourire en coin, elle ne se défendait pas si mal. Mais ce n'était pas sûr que cela suffise. Lamefer n'était pas mécontent non plus de la réaction du juge ; Un léger hochement de tête sur le côté puis une prise de notes d'un air compatissant sans poursuivre dans ses questions. Une révélation au sujet de l'identité de Zaïus Noirphoenix aurait pu devenir un terrain glissant pour lui aussi.
Lamefer nota néanmoins le regard que Radjie lui avait lancé ; C'était un regard qui signifiait clairement : “Je sais que ça vous arrange, Lesfar...”

Ils étaient mis à mal. Fortegriffe le savait aussi. A se tirer ainsi dans les pattes ils allaient tous sombrer comme le plus bancal des navires. Mais quelle solution avaient-ils ? Enfoncer Friilhar lui plaisait à moitié, il restait son protégé, mais il devait l’enfoncer pour que Zaius plonge. Mais faire plonger Zaius semblait être une idée de moins en moins bonne, son passé et les négligences de Lamefer pouvait simplement tirer tout le monde dans les abysses. La situation semblait désespérée…

… Et une patte se dressa, dans la salle. Il y avait UN témoin que tout le monde avait oublié : Reidro.

Le magistrat s'approcha de la barre. Il était soucieux et coincé dans sa démarche. Il prit une profonde inspiration et jura de dire la vérité sur les Hautes Légions.

“Bien ! Regardez ; Nous avons ici un centurion Noirphoenix accusé d'avoir utilisé la Purge. N'est-ce pas ? Ça a mal tourné, et maintenant nous avons des fous dangereux en liberté, et tout ceci était fait dans un hôpital !”

Les juges acquiescèrent.

“Une Purge menée à mal. Une Purge qui a détruit des charrs. Une Purge qui va à l'encontre du bon sens . Et pourquoi pas ? Une Purge qui aurait pu faire d'un charr, d'un gradé, le Maître incontesté des Légions en levant une armée d'esclaves afin de renverser Smodur ?”

Lamefer plissa les yeux. Friilahr fit un “non” dépité de la tête à l'attention de Reidro qui ne le voyait pas à cause de sa myopie. Les juges penchèrent la tête par-dessus leur bureau pour mieux observer le binoclard ; Décidément ça devenait intéressant.

“C'est en effet le principal souci, oui ; “La Purge” au sens stricte. Pour cette raison elle fut interdite, puis oubliée.” répondit un Juge.

“Nenni ! Faux ! C'est là que le bât blesse ! Vérifiez messieurs les juges ! Vérifiez ! La Purge a été oubliée, certes ! Mais elle n'a JAMAIS été interdite depuis sa création. C'est un projet qui a été validé ! Article 1863 Paragraphe 4, dans la section 38. Vérifiez par vous-même. Et vous savez pourquoi elle n'a jamais été interdite ?! Et bien parce qu'elle a été oubliée ! Tout simplement ! Tous ceux qui se sont penchés sur ce sujet sont donc innocents. Et vous savez à qui en revient la faute ?”

Les juges grognèrent un peu.

“La faute revient à Zaïus FixeÂme !” s'exclama Reidro.

“Il est mort depuis longtemps. Cessez vos inepties.” dit un juge.

“Je le sais ! Alors la loi voudrait que le fautif soit le suivant sur la liste. Celui qui mit pour la première fois en application le procédé de la Purge ; Flay Brisesprit ! C'est le principal coupable.”

Les suspects se regardèrent ; Ils étaient tellement concentrés sur leurs ennuis directs et sur leur propre défense qu'ils avaient littéralement oublié Flay. Les juges restèrent septiques et levèrent la séance.

Ils revinrent deux heures après avoir longuement délibéré. La Purge avait été un “Trou judiciaire”. Plutôt que d'accuser l'Imperator pour cette négligence, il fut aisé de trouver en Flay le parfait coupable.
Ils interdirent le projet de Purge, et toutes ses déclinaisons au grand damn de Lamefer. Et ça ne s'arrêta pas là ; Ils interdirent aussi tout ce qui pouvait transformer le soldat des Hautes Légions, donc tous les projets de Cinquième Légion. Ce jugement occasionna le démantèlement de la Première Centurie du Khan-Ur.

Les Centurions et le légionnaire Sombrenuit se retrouvèrent une dernière fois avant leur départ pour les Plaines d'Argent.

“Alors Mortepluie, qu'allez-vous faire à présent ?” demanda Fortegriffe, comme si de rien n'était.

“Moi ? Oh et bien continuer mes recherches. J'ai toujours une troupe, la troupe mort, bien qu’il n’y refte qu’une légionnaire de qualité, une fchyzophrène et un purgé. Mais je ne manque pas d’idées. Et vous ?”

“Nous ? Et bien on a un tas de projets en commun avec Lestar, alors on va s'y atteler. Vous voyez le genre ? Des projets en forme de dragon ! Et vous Zaïus ?”

“C'est pas vos oignons.” répondit Radjie.

“Secret des Cendres, c'est ça ?” demanda Ehrmal de son ton morose.

“Et ouais.”